ANALYSE BRASSENS présente un site ami :
Partir un an : les aventures dessinéssinées de Chérie et Chéri
Georges Brassens, Fernande
Stances à un cambrioleur
01Prince des monte-en-l'air et de la cambriole,
02Toi qui eus le bon goût de choisir ma maison,
03Cependant que je colportais mes gaudrioles,
04En ton honneur j'ai composé cette chanson.
 
05Sache que j'apprécie à sa valeur le geste
06Qui te fit bien fermer la porte en repartant
07De peur que des rôdeurs n'emportassent le reste,
08Des voleurs comme il faut c'est rare de ce temps.
 
09Tu ne m'as dérobé que le strict nécessaire,
10Délaissant, dédaigneux, l'exécrable portrait
11Que l'on m'avait offert à mon anniversaire.
12Quel bon critique d'art, mon salaud, tu ferais !
 
13Autre signe indiquant toute absence de tare,
14Respectueux du brave travailleur tu n'as
15Pas cru décent de me priver de ma guitare,
16Solidarité sainte de l'artisanat.
 
17Pour toutes ces raisons, vois-tu, je te pardonne
18Sans arrière pensée, après mûr examen,
19Ce que tu m'as volé, mon vieux, je te le donne,
20Ça pouvait pas tomber en de meilleures mains.
 
21D'ailleurs moi qui te parle, avec mes chansonnettes,
22Si je n'avais pas dû rencontrer le succès,
23J'aurais tout comme toi, pu virer malhonnête,
24Je serais devenu ton complice, qui sait ?
 
25En vendant ton butin, prends garde au marchandage,
26Ne va pas tout lâcher en solde aux receleurs,
27Tiens-leur la dragée haute en évoquant l'adage
28Qui dit que ces gens-là sont pis que les voleurs.
 
29Fort de ce que je n'ai pas sonné les gendarmes,
30Ne te crois pas du tout tenu de revenir,
31Ta moindre récidive abolirait le charme,
32Laisse moi, je t'en prie, sur un bon souvenir.
 
33Monte-en-l'air, mon ami, que mon bien te profite,
34Que Mercure te préserve de la prison,
35Aie pas trop de remords, d'ailleurs nous sommes quittes,
36Après tout ne te dois-je pas une chanson ?
 
37Post-scriptum : si le vol est l'art que tu préfères,
38Ta seule vocation, ton unique talent,
39Prends donc pignon sur rue, mets-toi dans les affaires,
40Et tu auras les flics même comme chalands.

Georges Brassens