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Partir un an : les aventures dessinéssinées de Chérie et Chéri
Georges Brassens, Chanson pour l'auvergnat
La légende de la nonne
01Venez, vous dont l'oeil étincelle,
02Pour entendre une histoire encor,
Encor
L'élision du "e" de "encore" est un grand classique chez Hugo.
Cette ancienne orthographe (déjà désuète au XIXe siècle, je pense) permet bien souvent de supprimer un pied en trop dans un vers.
Cependant, elle n'est a priori pas justifiée puisque le "e" final d'un vers ne se prononce pas. On peut y voir le désir d'insister sur l'ancienneté de la légende.

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Complément
On peut y voir aussi la "rime pour l'oeil" avec Flor...
[contact auteur : Henri T.]
Complément
C'est surtout la volonté d'en faire un rime masculine. L'alternance rimes masculines, rimes féminines a été scrupuleusement respectée par toute la poésie romantique. GB la respecta lui ausssi dans l'essentiel de ses chansons bien que l'élision presque systématique des "e" muets pratiquée par la chanson populaire lui permette de transformer toute rime féminine en rime masculine.
[contact auteur : Michel Stephanus]
03Approchez, je vous dirai celle
04De Doña Padilla del Flor.
Dona Padilla del flor
Référence à Maria De Padilla, maîtresse du roi Don Pèdre d'Espagne, dans l'ouvrage Carmen de Prosper Mérimée, et que l'on accuse de sorcellerie après avoir offert au roi une ceinture en or, qui lui serait apparue telle un serpent.
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05Elle était d'Alanje, où s'entassent
06Les collines et les halliers.
07Enfants, voici des boeufs qui passent,
08Cachez vos rouges tabliers.
Boeufs
Le père Hugo se prendrait-il les pieds dans la muleta ? Ce sont les taureaux et non pas les boeufs qui, dit-on, foncent sur tout ce qui est rouge.
À sa décharge, il est vrai que lorsqu'on déplace des taureaux par les rues, comme cela se fait encore à la feria de Pampelune, ils sont toujours encadrés par des boeufs, sans doute pour limiter la casse.

[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
Complément
Justement non. Hugo sait trés bien que seuls les taureaux sont attirés par le rouge. Mais cette histoire de nonne est une fabulation d'abbé, il insiste sur ce fait en demandant aux enfants de cacher leurs tabliers pour les boeufs, ce qui est également un mensonge.
[contact auteur : Simon F.]
 
09Il est des filles à Grenade,
10Il en est à Séville aussi,
11Qui, pour la moindre sérénade,
12À l'amour demandent merci;
Merci
Ici "merci" est évidemment à prendre au sens de "grâce", de "pitié" ; "demander merci" revient à "implorer la grâce" et donc à "succomber". Mais Padilla n'est pas de celles qui tombent sans résistance dans les bras du premier venu, ce qui est tout à son honneur.
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13Il en est que parfois embrassent,
14Le soir, de hardis cavaliers.
15Enfants, voici des boeufs qui passent,
16Cachez vos rouges tabliers.
 
17Ce n'est pas sur ce ton frivole
18Qu'il faut parler de Padilla,
19Car jamais prunelle espagnole
20D'un feu plus chaste ne brilla;
21Elle fuyait ceux qui pourchassent
22Les filles sous les peupliers.
23Enfants, voici des boeufs qui passent,
24Cachez vos rouges tabliers.
 
25Elle prit le voile à Tolède,
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26Au grand soupir des gens du lieu,
27Comme si, quand on n'est pas laide,
28On avait droit d'épouser Dieu.
épouser Dieu
L'image n'est pas de Hugo : elle fait partie du rituel religieux. Lorsqu'une novice entre définitivement au couvent, on dit qu'elle "prend le voile" (ce voile qui est l'emblème de la mariée) et qu'elle "prononce ses voeux" (comme les voeux, c'est à dire la promesse de fidélité, du mariage) voire qu'elle "épouse Jésus-Christ". En plus du voile, d'ailleurs, elle passe aussi un anneau à son doigt.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
29Peu s'en fallut que ne pleurassent
30Les soudards et les écoliers.
écoliers
"escholiers", au sens médiéval de "étudiants" (voir dans Villon).
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
Complément
Je pense moi qu'il faut prendre "écoliers" au sens propre. Hugo veut montrer que tous pleurent, le méchant comme le gentil, le grossier comme l'innocent enfant.
[contact auteur : Philippe D.]
31Enfants, voici des boeufs qui passent,
32Cachez vos rouges tabliers.
 
33Or, la belle à peine cloîtrée,
34Amour en son coeur s'installa.
35Un fier brigand de la contrée
36Vint alors et dit : "Me voilà !"
37Quelquefois les brigands surpassent
38En audace les chevaliers.
39Enfants, voici des boeufs qui passent,
40Cachez vos rouges tabliers.
 
41Il était laid: les traits austères,
Les traits austères
Dans la version chantée par Barbara, celle-ci remplace "les traits austères" par "et très austère". Outre la suppression de la rime "pour l'oeil" en "tères" voulue par Hugo, cette substitution crée un hiatus avec "laid" et banalise un vers d'une grande beauté. Manque d'attention d'une grande chanteuse ? (elle a pourtant interprété les chansons de GB avec une sensibilité toute féminine)
[contact auteur : Michel Stephanus] - [compléter cette analyse]
Complément
Après recoupement de source (wikipédia et un livre recueillant l'intégrale des textes de Georges Brassens), il semblerait que le texte original de Victor Hugo soit "il était laid: des traits austères" et que Brassens, comme il a souvent pratiqué dans la mise en chanson de poèmes d'autres, a changé ce des en les.
Autre remarque, le poème original est beaucoup plus long et d'une beauté exceptionelle [cf. par ex. fr.wikisource.org/wiki/La_Légende_de_la_nonne ] (mais je m'égare).

[contact auteur : Nathan M.]
42La main plus rude que le gant ;
43Mais l'amour a bien des mystères,
44Et la nonne aima le brigand.
45On voit des biches qui remplacent
46Leurs beaux cerfs par des sangliers.
47Enfants, voici des boeufs qui passent,
48Cachez vos rouges tabliers.
 
49La nonne osa, dit la chronique,
50Au brigand par l'enfer conduit,
51Aux pieds de Sainte Véronique
Sainte Véronique
Il s'agit de la statue de la sainte, évidemment, qui se trouvait dans la nef (de la chapelle) dont il est question plus loin.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
52Donner un rendez-vous la nuit,
53À l'heure où les corbeaux croassent,
54Volant dans l'ombre par milliers.
55Enfants, voici des boeufs qui passent,
56Cachez vos rouges tabliers.
 
57Or quand, dans la nef descendue,
58La nonne appela le bandit,
59Au lieu de la voix attendue,
60C'est la foudre qui répondit.
61Dieu voulut que ses coups frappassent
Coups de foudre
Si l'on attribue "ses" à la foudre (et non à Dieu ; l'un et l'autre pouvant se justifier), il est intéressant de constater que les amants meurent victimes de "coups de foudre".
Le coup de foudre a donc deux fois causé leur mort : le premier ( sens figuré) les a perdus ; il ne restait au second (sens propre) qu'à finir l'oeuvre divine en les tuant.
On constatera également que le "Dieu" ici évoqué n'est guère miséricordieux. Il passe plutôt pour un "mari" (cf. vers 28) trompé en pleine vengeance.

[contact auteur] - [compléter cette analyse]
62Les amants par Satan liés.
63Enfants, voici des boeufs qui passent,
64Cachez vos rouges tabliers.
 
65Cette histoire de la novice,
66Saint Ildefonse, abbé, voulut
St Ildefonse
Le Robert 2 nous dit qu'il fut évêque de Tolède en 657, et qu'il est l'auteur d'un ouvrage en latin intitulé "De la Virginité de Sainte Marie". On conçoit qu'il n'appréciait guère qu'un brigand déflorât les nonnes dont il avait la responsabilité...
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
Saint Ildefonse
Notons aussi que Saint Ildefonse (San Ildefonso) est le Saint patron de Tolède. Comme le dit Hugo il était effectivement abbé du monastère d'Agli, avant de devenir archévêque de Tolède. C'est en grande partie à lui qu'on doit l'unification de l'Église espagnole de l'époque. Selon la tradition populaire il aurait été le plus farouche admirateur de la Vierge Marie et l'aurait même vu en apparition. Un tableau d'El Greco du XVIe siècle le représente, interrompant ses écrits, en contemplation devant une image de la Vierge Marie.
[contact auteur : Francis M.] - [compléter cette analyse]
67Qu'afin de préserver du vice
68Les vierges qui font leur salut,
69Les prieures la racontassent
70Dans tous les couvents réguliers.
71Enfants, voici des boeufs qui passent,
72Cachez vos rouges tabliers.

Victor Hugo