ANALYSE BRASSENS présente un site ami :
Partir un an : les aventures dessinéssinées de Chérie et Chéri
Georges Brassens, Don Juan
Le boulevard du temps qui passe
Source d'inspiration
GB ne s'est jamais caché d'avoir puisé le thème de certaines de ses chansons à partir d'oeuvres littéraires préexistantes (cf. La fille à cent sous, d'après un conte de Maupassant). Aussi, on peut réellement se demander, à l'écoute de cette chanson, s'il ne s'est pas inspiré d'une nouvelle de Dino Buzzati, intitulée "Chasseurs de vieux", extraite du recueil Le K, tant les similarités sont frappantes...
[contact auteur : Laurent V.] - [compléter cette analyse]
01À peine sortis du berceau,
02Nous sommes allés faire un saut
03Au boulevard du temps qui passe,
04En scandant notre "Ça ira"
Ça ira !
Ah ça ira, ça ira, ça ira !
Les aristocrates à la lanterne !

Refrain de la Carmagnole, chanson révolutionnaire de 1792, (interdite par Bonaparte en 1799).

[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
Ça ira !
La Carmagnole a été la chanson la plus populaire de la Révolution Française. Elle date de 1792, au moment où l'Assemblée vote la convocation de la Convention et l'emprisonnement du roi.
Mais depuis, elle a reparu à toutes les périodes révolutionnaires du XIXème siècle, en 1830 et 1871, avec de nouveaux couplets à chaque fois. Le Ça Ira est à l'origine une chanson bien distincte mais qu'on a l'habitude de chanter comme refrain de la Carmagnole.
(Précision trouvée sur le site Le Drapeau Rouge)

[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
05Contre les vieux, les mous, les gras,
06Confinés dans leurs idées basses.
 
07On nous a vus, c'était hier,
08Qui descendions, jeunes et fiers,
09Dans une folle sarabande,
Folle sarabande
GB prend ici le mot dans son acception moderne, telle qu'évoquée par "La Danse" de Matisse, par exemple. Mais jusqu'au XVIIIe s., la Sarabande était une danse très lente. Pour évoquer une cavalcade, on lui adjoint donc souvent les épithètes "effrénée" ou "folle" qui soulignent et justifient le paradoxe.
[contact auteur : Dominique Chailley] - [compléter cette analyse]
10En allumant des feux de joie,
11En alarmant les gros bourgeois,
12En piétinant leurs plates-bandes.
Folle sarabande
Tout ce couplet évoque les "monômes" d'étudiants, immenses chahuts et farandoles qui se déroulaient dans la rue, souvent juste après les examens. Dans les années 50, le "Monôme du Bac" défrayait encore la chronique chaque année, à Paris et ailleurs.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
 
13Jurant de tout remettre à neuf,
14De refaire quatre-vingt-neuf,
15De reprendre un peu la Bastille,
Révolution
La chanson est de 76, mais le couplet évoque irrésistiblement Mai 68 et les fantasmes de révolution qui avaient cours à l'époque.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
16Nous avons embrassé, goulus,
17Leurs femmes qu'ils ne touchaient plus,
18Nous avons fécondé leurs filles.
Fécondé leurs filles
Certains défendent l'idée que la seule vraie révolution de Mai 68 fut sexuelle. Il est certain qu'en période de troubles, un des premiers tabous à sauter est celui-là.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
 
19Dans la mare de leurs canards
20Nous avons lancé, goguenards,
21Force pavés, quelle tempête !
Tempête dans la mare de leur canards
Allusion à la "tempête dans un verre d'eau", ici "dans une mare de canards" (symbole de la paix saturée comme le pavé est le symbole de la révolte) ; on retrouve l'expression dans la Tempête dans un bénitier dans un sens proche : même si l'outre est nouvelle, il y a un vieux vin là-dedans...
[contact auteur : Ralf Tauchmann] - [compléter cette analyse]
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Complément
Le pavé n'était-il pas le titre d'un des journaux ("canards") de mai '68 ? Il pourrait y avoir en arrière-plan l'idée que cette "révolution" n'était guère faite que de mots dans d'éphémères brûlots.
[contact auteur : Dominique Chailley]
22Nous n'avons rien laissé debout,
23Flanquant leurs credos, leurs tabous
Pavés
Pavés, credos et tabous lapidés, l'évocation de Mai 68 est transparente. Mais c'est aussi (et c'est la morale de la chanson) le fait de la jeunesse à toutes les générations. Voir le dernier couplet.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
24Et leurs dieux, cul par-dessus tête.
 
25Quand sonna le " cessez-le-feu "
26L'un de nous perdait ses cheveux
27Et l'autre avait les tempes grises.
Métamorphose
Voilà des "rebelles", des "chevelus, poètes" comme dirait Richepin (cf. "Philistins, épiciers...", mis en musique par GB) qui, le temps émoussant bien des choses, sont à leur tour victimes des "cadets" ! Je fais un parallèle thématique avec "les bourgeois" de Brel : "le coeur au repos, les yeux bien sur terre..."
[contact auteur : Emmanuel G.] - [compléter cette analyse]
28Nous avons constaté soudain
29Que l'été de la Saint-Martin
La Saint Martin
La Saint-Martin signifie les quelques jours d'été tardif, autour du 11 novembre (St Martin). Cette expression que, je crois, Brassens appréciait et plaçait en position de force dans ses vers, se trouve aussi dans Saturne, où elle est alors connotée beaucoup plus positivement qu'ici, afin de marquer la beauté poétique de la vieillesse de son amante.
[contact auteur : Kamal A.] - [compléter cette analyse]
Ferrat
Ce même thème est joliment abordé par Jean Ferrat dans "l'été de la St-Martin". Jean Ferrat qui, peut-être dans le même album, a écrit un joli "à Brassens" :
est-ce un reflet de ta moustache
ou bien tes cris de mort aux vaches
qui les séduit ?
(...)
alors qu'avec tes pâquerettes
tendres à mon coeur, fraîches à ma tête
jusqu'au trépas,
si je ne suis qu'un mauvais drôle
tu joues toujours pour moi le rôle
de l'Auvergnat

[contact auteur : Emmanuel G.] - [compléter cette analyse]
30N'est pas loin du temps des cerises.
St Martin - Cerises
C'est à dire l'automne n'est pas loin du début de l'été, c'est à dire la vieillesse succède à la jeunesse plus vite qu'on ne croit.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
Temps des cerises
"Le temps des cerises" est aussi un chant emblème de la commune de Paris, (une révolte populaire de 1870 réprimée dans le sang, et symbole de la lutte révolutionnaire).
[contact auteur : Julien U.] - [compléter cette analyse]
 
31Alors, ralentissant le pas,
32On fit la route à la papa,
à la papa
Figuration populaire du pas de sénateur : démarche d'un homme âgé.
[contact auteur : Dominique Chailley] - [compléter cette analyse]
Complément
On peut y voir aussi une allusion à "faire l'amour à la papa" c'est à dire sans trop d'efforts ou d'inventions...
[contact auteur : Stève Frederick]
33Car, braillant contre les ancêtres,
34La troupe fraîche des cadets
35Au carrefour nous attendait
36Pour nous envoyer à Bicêtre.
Bicêtre
Village de France, commune de Kremlin-Bicêtres (Seine), au dessus de la Bièvre, où il existe un magnifique hospice por les vieillards et les aliénés; environ 5000h. L'édifice fut construit par Louis XIII en 1632.
[contact auteur : Gustavo M.] - [compléter cette analyse]
 
37Tous ces gâteux, ces avachis,
Changement de perspective
Jusqu'ici, Brassens emploie la première personne du pluriel, "nous". Dans ce dernier couplet, pourtant, il s'agit de la troisième personne, "ils". Par ce procédé de déplacement, il s'est exclu du groupe des railleurs d'hier qui sont devenus les conformistes du jour.
[contact auteur : Alvaro Britto] - [compléter cette analyse]
38Ces pauvres sépulcres blanchis
Sépulcres blanchis
Invective lancée par le Christ, qui parfois n'y allait pas de main morte, contre les Pharisiens, parti d'intégristes juifs de son époque, confits dans leurs certitudes théologiques et leur hypocrisie. (Cf. Matthieu XXIII 27: Malheur à vous, qui ressemblez à des sépulcres blanchis : au dehors ils ont belle apparence, mais au dedans ils sont pleins d'ossements morts et de toute pourriture.)
La métaphore s'applique ici d'autant mieux qu'à l'origine les Pharisiens avaient été un parti de résistance contre Antiochus Epiphane et l'hellénisation d'Israël.

[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
39Chancelant dans leur carapace,
40On les a vus, c'était hier,
41Qui descendaient jeunes et fiers,
42Le boulevard du temps qui passe.

Georges Brassens