ANALYSE BRASSENS présente un site ami :
Partir un an : les aventures dessinéssinées de Chérie et Chéri
Georges Brassens, Fernande
À l'ombre des maris
01Les dragons de vertu n'en prennent pas ombrage,
02Si j'avais eu l'honneur de commander à bord,
03À bord du Titanic quand il a fait naufrage,
04J'aurais crié : "Les femm's adultères d'abord !"
 
05Ne jetez pas la pierre à la femme adultère,
06Je suis derrière...
 
07Car, pour combler les voeux, calmer la fièvre ardente
08Du pauvre solitaire et qui n'est pas de bois,
09Nulle n'est comparable à l'épouse inconstante.
10Femmes de chefs de gare, c'est vous la fleur d'époi.
 
11Ne jetez pas la pierre à la femme adultère,
12Je suis derrière...
 
13Quant à vous, messeigneurs, aimez à votre guise,
14En ce qui me concerne, ayant un jour compris
15Qu'une femme adultère est plus qu'une autre exquise,
16Je cherche mon bonheur à l'ombre des maris.
 
17Ne jetez pas la pierre à la femme adultère,
18Je suis derrière...
 
19À l'ombre des maris, mais cela va sans dire,
20Pas n'importe lesquels, je les trie, les choisis.
21Si madame Dupont, d'aventure, m'attire,
22Il faut que, par surcroît, Dupont me plaise aussi !
 
23Ne jetez pas la pierre à la femme adultère,
24Je suis derrière...
 
25Il convient que le bougre ait une bonne poire
26Sinon, me ravisant, je détale à grands pas,
27Car je suis difficile et me refuse à boire
28Dans le verr' d'un monsieur qui ne me revient pas.
 
29Ne jetez pas la pierre à la femme adultère,
30Je suis derrière...
 
31Ils sont loins mes débuts où, manquant de pratique,
32Sur des femmes de flics je mis mon dévolu.
33Je n'étais pas encore ouvert à l'esthétique,
34Cette faute de goût je ne la commets plus.
 
35Ne jetez pas la pierre à la femme adultère,
36Je suis derrière...
 
37Oui, je suis tatillon, pointilleux, mais j'estime
38Que le mari doit être un gentleman complet,
39Car on finit tous deux par devenir intimes
40À force, à force de se passer le relais.
 
41Ne jetez pas la pierre à la femme adultère,
42Je suis derrière...
 
43Mais si l'on tombe, hélas ! sur des maris infâmes,
44Certains sont si courtois, si bons si chaleureux,
45Que, même après avoir cessé d'aimer leur femme,
46On fait encor semblant uniquement pour eux.
 
47Ne jetez pas la pierre à la femme adultère,
48Je suis derrière...
 
49C'est mon cas ces temps-ci, je suis triste, malade,
50Quand je dois faire honneur à certaine pécore,
51Mais, son mari et moi, c'est Oreste et Pylade,
52Et, pour garder l'ami, je la cajole encore.
 
53Ne jetez pas la pierre à la femme adultère,
54Je suis derrière...
 
55Non contente de me déplaire, elle me trompe,
56Et les jours où, furieux, voulant tout mettre à bas
57Je crie : "La coupe est pleine, il est temps que je rompe !"
58Le mari me supplie : "Non, ne me quittez pas !"
 
59Ne jetez pas la pierre à la femme adultère,
60Je suis derrière...
 
61Et je reste, et, tous deux, ensemble on se flagorne.
62Moi, je lui dis : "C'est vous mon cocu préféré."
63Il me réplique alors : "Entre toutes mes cornes,
64Celles que je vous dois, mon cher, me sont sacrées."
 
65Ne jetez pas la pierre à la femme adultère,
66Je suis derrière...
 
67Et je reste et, parfois, lorsque cette pimbêche
68S'attarde en compagnie de son nouvel amant,
69Que la nurse est sortie, le mari à la pêche,
70C'est moi, pauvre de moi ! qui garde les enfants.
 
71Ne jetez pas la pierre à la femme adultère.

Georges Brassens