ANALYSE BRASSENS présente un site ami :
Partir un an : les aventures dessinéssinées de Chérie et Chéri
Georges Brassens, Fernande
Quatre-vingt quinze pour cent
01La femme qui possède tout en elle
02Pour donner le goût des fêtes charnelles,
03La femme qui suscite en nous tant de passions brutales,
04La femme est avant tout sentimentale.
05Main dans la main les longues promenades,
06Les fleurs, les billets doux, les sérénades,
07Les crimes, les folies que pour ses beaux yeux l'on commet,
08La transportent, mais...
Vers en supens
La contruction de cette chanson est originale. Après un vers de 14 pieds, un vers de cinq pieds qui s'achève sur un "mais..." L'auditeur attend avec impatience la suite qui n'est autre que le refrain, comme si ce premier couplet ne servait qu'à annoncer le leitmotiv de la chanson (95 fois sur cent).
[contact auteur : Philippe Salson] - [compléter cette analyse]
 
09Quatre-vingt-quinze fois sur cent,
10La femme s'emmerde en baisant.
11Qu'elle le taise ou le confesse
12C'est pas tous les jours qu'on lui déride les fesses.
Dérider les fesses
Détournement de "dérider le front " = chasser les soucis, faire rire. Ici, bien sûr, le sens est : donner du plaisir sexuel.
[contact auteur : Dominique Chailley] - [compléter cette analyse]
Un alexandrin au milieu d'octosyllabes
Alors que tous les vers du refrain sont des octosyllabes, on a cet alexandrin que GB s'amuse à débiter à toute vitesse. Cette distorsion est tout à fait comique : c'est comme si le narrateur livrait les derniers assauts frénétiques avant de s'affaler, déjà, complètement vidé (alors qu'on en est qu'au milieu du refrain).
Cette irrégularité dans la longueur des vers se retrouve aussi dans les couplets (vers de 5, 10 ou 14 pieds) : avec autant d'irrégularité dans les assauts, pas étonnant que la femme ait du mal à y trouver son compte !

[contact auteur : Philippe Salson] - [compléter cette analyse]
13Les pauvres bougres convaincus
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Merci de votre compréhension.
14Du contraire sont des cocus.
15À l'heure de l'oeuvre de chair
Faire oeuvre de chair
Pudibonde expression inventée par les confesseurs (ou le Vatican) pour "baiser".
[contact auteur : Dominique Chailley] - [compléter cette analyse]
Complément
La chair désigne dans la Bible la sexualité en tant qu'elle permet la reproduction (Genèse, II, 24, etc.) mais aussi en tant qu'elle est source de péché, et là, c'est Saint Paul qui prêche contre ses débordements (Romains VII, 14 - Galates V, 19-21, etc.).
C'est dans St Paul, beaucoup plus que dans la prédication du Christ (qui était indulgent avec les prostituées), qu'il faut chercher l'extrême méfiance du Vatican vis à vis de la sexualité. Ce pauvre Paul se méfiait d'ailleurs des femmes en général et recommandait qu'on les maintienne dans un état de soumission et d'obéissance qui le ferait passer aujourd'hui pour un macho parfaitement obtus. C'est à lui qu'on doit le voeu d'obéissance que les épouses, dans la cérémonie du mariage catholique, devaient faire à leur mari jusqu'à très récemment (Vatican II et les années 60, en gros).

[contact auteur : Henri T.]
16Elle est souvent triste, peuchère !
Peuchère
Ou pécaïre, en provençal : le/la pauvre
"Il a bien des ennuis, peuchère!"
"Eh bien Marius, peuchère, il est dans la panade!"
Voir le dictionnaire des Marseillais :
www.marseillais-du-monde.org/dictionnaire.php3

[contact auteur : Philippe Allouard] - [compléter cette analyse]
Triste
"La chair est triste, hélas..." est le début du poème Brise marine de Stéphane Mallarmé ; GB connaissait certainement ce vers, et le pronom "elle" peut désigner la chair citée au vers précédent, mais aussi la femme elle-même, qui, d'après lui, ne profite de l'oeuvre en question que dans 5% des cas...
[contact auteur : Bernard F.] - [compléter cette analyse]
17S'il n'entend le coeur qui bat,
18Le corps non plus ne bronche pas.
 
19Sauf quand elle aime un homme avec tendresse,
20Toujours sensible alors à ses caresses,
21Toujours bien disposée, toujours encline à s'émouvoir,
22Elle s'emmerd' sans s'en apercevoir.
Formidable antiphrase
Le propre de l'emmerdement c'est que l'on a l'impression que le temps ne passe pas. Alors si l'on ne s'aperçoit de rien, s'emmerde-t-on vraiment ? C'est là que l'on reconnaît le sens de l'absurde et du comique de GB.
[contact auteur : Philippe Salson] - [compléter cette analyse]
23Ou quand elle a des besoins tyranniques,
24Qu'elle souffre de nymphomanie chronique,
NTM n'a rien inventé
Remarquez, tant dans le chant lui-même où c'est mis en évidence, que dans la rime, le plaisir de faire chanter la forme du mots/syllabe (phonène) avec le fond même du message, qui, plus ou moins explicitement, parle de niquer !
[contact auteur : Jérémie J.] - [compléter cette analyse]
25C'est ell' qui fait alors passer à ses adorateurs
26De fichus quarts d'heure.
 
27Quatre-vingt-quinze fois sur cent,
28La femme s'emmerde en baisant.
29Qu'elle le taise ou le confesse
30C'est pas tous les jours qu'on lui déride les fesses.
31Les pauvres bougres convaincus
32Du contraire sont des cocus.
33À l'heure de l'oeuvre de chair
34Elle est souvent triste, peuchère !
35S'il n'entend le coeur qui bat,
36Le corps non plus ne bronche pas.
 
37Les "encore", les "c'est bon", les "continue"
38Qu'ell' crie pour simuler qu'ell' monte aux nues,
39C'est pure charité, les soupirs des anges ne sont
40En général que de pieux mensonges.
Ne sont / mensonges
Cette rime approximative (ne sont / mensonges) s'appelle une assonance, et il arrive à GB d'en utiliser sans complexes (Waterloo et Landerneau dans La première fille, lêvres et vêpres dans Je suis un voyou, clé des champs et Saint Jean dans Une jolie fleur, Oncle Archibal(d) et violons du bal, homme incorrec(t) et voir par les Grecs dans Le pornographe) d'autant plus que ses rimes sont souvent par ailleurs extrêmement riches, ou d'une virtuosité incroyable, avec en particulier des "enjambements" même au milieu des mots souvent très drôles :
"Quand on est un sa-
ge et qu'on a du sa-
voir boi-areu..."

dans Le vin, fait irrésistiblement penser aux hoquets de l'ivrogne.

[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
Complément
Juste pour la bonne terminologie établie : la rime "sont - mensonges" s'appelle rime augmentée (ajout d'un son en fin de vers sans enjambement sur le vers prochain : comme "joue - jour" dans Rien à jeter ou "galants - blanche" dans l'introduction de L'ancêtre). Ce n'est pas une assonnance, car tant la consonne d'appui que la voyelle font la rime.
"Clé des champs - Saint-Jean" est même une rime riche, car les consonnes d'appui ch-j, b-p, m-n etc. sont assimilées les unes aux autres selon les lois phonétologiques.
Les rimes à l'intérieur des mots (sa-ge / sa-voir...) s'appellent "rimes coupées" : elles sont des rimes riches.

[contact auteur : Ralf Tauchmann]
Complément
Parlons donc technique. Une rime suppose que les sons soient les mêmes à partir de la fin du mot et que parmi eux figurent au moins une voyelle. Les assonances sont des rimes approximatives où la distribution des consonnes est différente dans les deux mots, sans toutefois que l'oreille ne soit choquée. Les rimes augmentées sont donc des cas particuliers d'assonance : rime V / V-C (type incorrect / Grecs). Elle implique éventuellement qu'on prononce faiblement la consonne supplémentaire.
La rime Waterloo / Landerneau est une rime pauvre : les deux mots ne riment que sur la voyelle, ici [o]. De même pour clé des champs / Saint Jean (voyelle [ã]) même si certains linguistes admettront une rime suffisante, c'est-à-dire avec une consonne supplémentaire. Il faut pour cela considérer que -ch- et -j- sont la même consonne étant donné que le point d'articulation est le même. C'est dans la sonorisation (= vibration des cordes vocales) que se fait la différence.
Quant aux rimes coupées (terme que je ne connaissais pas), on doit à mon sens analyser les rapprochements phoniques en dehors des considérations de mots coupés. Dans Le vin, la rime un sa- / du sa- est une rime suffisante : C-V / C-V

[contact auteur : Mathieu Rasoli]
41C'est à seule fin que son partenaire
Attention ; vieux françoy !
Si mon ouïe ne nous trompe pas, GB ne dit pas "à seule fin" mais "à celle fin". Après quelques recherches il semble que la première expression ait dérivé de la seconde dans la langue moderne, après que "celle", démonstratif, s'est mué en "cette". Dès lors, l'expression ne se comprenait plus et a évolué. Mais ce choix n'a rien rien d'étonnant de la part de GB, jongleur amoureux des français de tous poils.
[contact auteur : Yann Batlle] - [compléter cette analyse]
42Se croie un amant extraordinaire,
Drôle de liaison
Dans la chanson, Brassens prononce "se croie-t-un amant...". Est-ce seulement une liaison commode pour éviter un hiatus, comme par exemple dans "Corne d'Aurochs" : "... coucha-z-avec son remplaçant..." ? Ou bien serait-ce une faute d'orthographe ? Cela paraît tout de même peu probable.
[contact auteur : Guillaume T.] - [compléter cette analyse]
Complément
Le subjonctif du vers 44 laisse à penser qu'il s'agit d'une liaison volontaire.
[contact auteur : Ralf Tauchmann]
Fausses liaisons
Ce n'est certainement pas une erreur de la part de Brassens, à la diction parfaite et même virtuose (cf "Le nombril des femmes d'agents", "Supplique pour être enterré à la plage de Sète"). Des fausses liaisons, il en fait très souvent, parce que ça l'amuse sans doute, et aussi pour garder un côté chanteur populaire, musico des rues, un contact auquel il tient beaucoup avec la "France d'en bas" (voilà une expression qui l'aurait fait marrer)
[contact auteur : Matthias L.] - [compléter cette analyse]
43Que le coq imbécile et prétentieux perché dessus
44Ne soit pas déçu.
 
45Quatre-vingt-quinze fois sur cent,
46La femme s'emmerde en baisant.
47Qu'elle le taise ou le confesse
48C'est pas tous les jours qu'on lui déride les fesses.
49Les pauvres bougres convaincus
50Du contraire sont des cocus.
51À l'heure de l'oeuvre de chair
52Elle est souvent triste, peuchère !
53S'il n'entend le coeur qui bat,
54Le corps non plus ne bronche pas.
 
55J'entends aller bon train les commentaires
56De ceux qui font des châteaux à Cythère :
Cythère
Cythère est l'île légendaire de l'amour, dans la mythologie grecque, le genre de mythes repris et arrangés ensuite, très à la mode au XVIIIème siècle (cf. "L'embarquement pour Cythère" de Watteau)
[contact auteur : Matthias L.] - [compléter cette analyse]
Complément
C'est évidemment une dérivation de "Faire des châteaux en Espagne", avec presque le même sens, simplement orienté vers les choses de l'amour.
[contact auteur : Dominique Chailley]
Complément
Cythère, lieu mythique de l'amour, est très fréquent dans les chansons de Brassens. Petit florilège :
"Dans un train de banlieue on partait pour Cythère" (Les amours d'antan)
"La barque pour Cythère est mise en quarantaine" (Le bulletin de santé)
"Ils me croient interdit de séjour à Cythère" (L'andropause)
"J'embarque pour Cythère en passant par Sodome" (S' faire enculer)
"Et quittant doucement la terre
Je fus à bon port à Cythère
" (Je bivouaque au pays de Cocagne)

[contact auteur : Mathieu Rasoli]
57"C'est parce que tu n'es qu'un malhabile, un maladroit,
58Qu'elle conserve toujours son sang-froid."
59Peut-être, mais si les assauts vous pèsent
60De ces petits m'as-tu-vu-quand-je-baise,
M'as-tu-vu
"M'as-tu-vu" : personnage vantard, vaniteux, prétentieux.
"M'as-tu-vu-quand-je-baise" : expression, forgée par GB pour l'occasion, qui désigne un homme se croyant un expert en art amoureux et se vantant outrancièrement de ses prouesses sexuelles.

[contact auteur : Bernard F.] - [compléter cette analyse]
Complément
Expression à rapprocher de Les funérailles d'antan, où Brassens évoque les m'as-tu-vu-dans-mon-joli-cercueil. Je crois d'ailleurs que René Fallet fait ce rapprochement dans le commentaire qui accompagne la pochette du vinyle.
[contact auteur : Mathieu Rasoli]
61Mesdames, en vous laissant manger le plaisir sur le dos,
Kicks
Ce vers me fait toujours penser à celui de Bob Dylan dans "Like a Rolling Stone" :
You shouldn't let other people get your kicks for you (Tu ne devrais pas laisser les autres prendre leur pied à ta place).

[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
Se laisser manger...
Appropriation de l'expression "se laisser manger la laine sur le dos" = se faire tondre = se laisser exploîter/dépouiller.
[contact auteur : Dominique Chailley] - [compléter cette analyse]
Kama-Sutra
Il semblerait que l'esprit coquin de ce bon Georges ait aussi eu l'intention de détourner cette expression afin de désigner la position de la levrette, à l'allure bestiale et ne satisfaisant pas toujours la partenaire. Nous en revenons donc au propos du couplet précédent ("le coq imbécile et prétentieux" plein de vanité) qui désigne le mâle comme un grand égoïste qui ne comprend toujours pas les désirs de cette femme si sentimentale en attente de caresses et d'un peu plus de proximité (cf. coulpet 1).
[contact auteur : Nicolas Tarbouriech] - [compléter cette analyse]
Complément
Ah non j'y vois plutot la description de la position du missionnaire chère à l'église et dans laquelle Georges ne voit pas comment prendre du plaisir... sur le dos ...si ce n'est en procréant ...:-)
[contact auteur : Gil B.]
62Chantez in petto...
In petto
À part soi, intérieurement, en secret. (ex : Protester in petto) [Larousse]
[contact auteur] - [compléter cette analyse]
In petto
Locution italienne signifiant littéralement "dans la poitrine" (cf. pectoraux), autrement dit : sans le dire à voix haute.
[contact auteur : Didier Bergeret] - [compléter cette analyse]
 
63Quatre-vingt-quinze fois sur cent,
64La femme s'emmerde en baisant.
65Qu'elle le taise ou le confesse
66C'est pas tous les jours qu'on lui déride les fesses.
67Les pauvres bougres convaincus
68Du contraire sont des cocus.
69À l'heure de l'oeuvre de chair
70Elle est souvent triste, peuchère !
71S'il n'entend le coeur qui bat,
72Le corps non plus ne bronche pas.

Georges Brassens