ANALYSE BRASSENS présente un site ami :
Partir un an : les aventures dessinéssinées de Chérie et Chéri
Georges Brassens, La religieuse
La rose, la bouteille et la poignée de main
01Cette rose avait glissé de
02La gerbe qu'un héros gâteux
03Portait au monument aux Morts.
04Comme tous les gens levaient leurs
05Yeux pour voir hisser les couleurs,
06Je la recueillis sans remords.
 
07Et je repris ma route et m'en allai quérir,
08Au p'tit bonheur la chance, un corsage à fleurir.
09Car c'est une des pir's perversions qui soient
10Que de garder une rose par-devers soi.
 
11La première à qui je l'offris
12Tourna la tête avec mépris,
13La deuxième s'enfuit et court
14Encore en criant "Au secours !"
15Si la troisième m'a donné
16Un coup d'ombrelle sur le nez,
17La quatrième, c'est plus méchant,
18Se mit en quête d'un agent.
 
19Car, aujourd'hui, c'est saugrenu,
20Sans être louche, on ne peut pas
21Fleurir de belles inconnues.
22On est tombé bien bas, bien bas...
 
23Et ce pauvre petit bouton
24De rose a fleuri le veston
25D'un vague chien de commissaire,
26Quelle misère!
 
27Cette bouteille était tombée
28De la soutane d'un abbé
29Sortant de la messe ivre mort.
30Une bouteille de vin fin
31Millésimé, béni, divin,
32Je la recueillis sans remords.
 
33Et je repris ma route en cherchant, plein d'espoir,
34Un brave gosier sec pour m'aider à la boire.
35Car c'est une des pir's perversions qui soient
36Que de garder du vin béni par-devers soi.
 
37Le premier refusa mon verre
38En me lorgnant d'un oeil sévère,
39Le deuxième m'a dit, railleur,
40De m'en aller cuver ailleurs.
41Si le troisième, sans retard,
42Au nez m'a jeté le nectar,
43Le quatrième, c'est plus méchant,
44Se mit en quête d'un agent.
 
45Car, aujourd'hui, c'est saugrenu,
46Sans être louche, on ne peut pas
47Trinquer avec des inconnus.
48On est tombé bien bas, bien bas...
 
49Avec la bouteill' de vin fin
50Millésimé, béni, divin,
51Les flics se sont rincé la dalle,
52Un vrai scandale !
 
53Cette pauvre poignée de main
54Gisait, oubliée, en chemin,
55Par deux amis fâchés à mort.
56Quelque peu décontenancée,
57Elle était là, dans le fossé.
58Je la recueillis sans remords.
 
59Et je repris ma route avec l'intention
60De faire circuler la virile effusion,
61Car c'est une des pir's perversions qui soient
62Qu' de garder un' poignée de main par-devers soi.
 
63Le premier m'a dit: "Fous le camp !
64J’aurais peur de salir mes gants."
65Le deuxième, d'un air dévot,
66Me donna cent sous, d'ailleurs faux.
67Si le troisième, ours mal léché,
68Dans ma main tendue a craché,
69Le quatrième, c'est plus méchant,
70Se mit en quête d'un agent.
 
71Car, aujourd'hui, c'est saugrenu,
72Sans être louche, on ne peut pas
73Serrer la main des inconnus.
74On est tombé bien bas, bien bas...
 
75Et la pauvre poignée de main,
76Victime d'un sort inhumain,
77Alla terminer sa carrière
78À la fourrière !

Georges Brassens