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- Les oiseaux de passage
- 01Ô vie heureuse des bourgeois ! Qu'avril bourgeonne
- 02Ou que décembre gèle, ils sont fiers et contents.
- 03Ce pigeon est aimé trois jours par sa pigeonne;
- 04Ça lui suffit, il sait que l'amour n'a qu'un temps.
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- 05Ce dindon a toujours béni sa destinée.
- 06Et quand vient le moment de mourir il faut voir
- 07Cette jeune oie en pleurs : "C'est là que je suis née,
- 08Je meurs près de ma mère et j'ai fait mon devoir."
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- 09Elle a fait son devoir c'est à dire que oncques
- 10Elle n'eut de souhait impossible, elle n'eut
- 11Aucun rêve de lune, aucun désir de jonque
- 12L'emportant sans rameur sur un fleuve inconnu.
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- 13Et tous sont ainsi faits, vivre la même vie
- 14Toujours pour ces gens là cela n'est point hideux.
- 15Ce canard n'a qu'un bec et n'eut jamais envie
- 16Ou de n'en plus avoir ou bien d'en avoir deux.
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- 17Ils n'ont aucun besoin de baiser sur les lèvres
- 18Et, loin des songes vains, loin des soucis cuisants,
- 19Possèdent pour tout coeur un viscère sans fièvre,
- 20Un coucou régulier et garanti dix ans !
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- 21Ô les gens bienheureux !... Tout à coup, dans l'espace,
- 22Si haut qu'il semble aller lentement, un grand vol
- 23En forme de triangle arrive, plane et passe.
- 24Où vont-ils ? Qui sont-ils ? Comme ils sont loin du sol !
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- 25Regardez les passer! Eux ce sont les sauvages,
- 26Ils vont où leur désir le veut : par dessus monts
- 27Et bois, et mers, et vents, et loin des esclavages.
- 28L'air qu'ils boivent ferait éclater vos poumons.
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- 29Regardez-les ! Avant d'atteindre sa chimère,
- 30Plus d'un, l'aile rompue et du sang plein les yeux,
- 31Mourra. Ces pauvres gens ont aussi femme et mère
- 32Et savent les aimer aussi bien que vous, mieux.
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- 33Pour choyer cette femme et nourrir cette mère,
- 34Ils pouvaient devenir volailles comme vous.
- 35Mais ils sont avant tout des fils de la chimère,
- 36Des assoiffés d'azur, des poètes, des fous.
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- 37Regardez-les, vieux coq, jeune oie édifiante !
- 38Rien de vous ne pourra monter aussi haut qu'eux.
- 39Et le peu qui viendra d'eux à vous, c'est leur fiente.
- 40Les bourgeois sont troublés de voir passer les gueux.
Jean Richepin
<<(1969 - La religieuse, 5)>>
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