ANALYSE BRASSENS présente un site ami :
Partir un an : les aventures dessinéssinées de Chérie et Chéri
Georges Brassens, La religieuse
L'ancêtre
01Notre voisin l'ancêtre était un fier galant
Fier galant
Ce pourrait être une déformation de l'expression "vert galant" qui s'appliquait à Henri IV.
[contact auteur : Philippe S.] - [compléter cette analyse]
02Qui n'emmerdait personne avec sa barbe blanche,
03Et quand le bruit courut qu' ses jours étaient comptés,
04On s'en fut à l'hospice afin de l'assister.
Afin de l'assister
"assister" un mourant est, dans la tradition chrétienne, lui porter "les secours de la religion" pour "accompagner" son passage de vie à trépas. GB fait d'ailleurs référence, à chaque conclusion de couplet, aux pratiques religieuses des bonnes soeurs qui, jusqu'au milieu du siècle, avaient encore un rôle accepté jusque dans certains hospices et hôpitaux publics.
[contact auteur : Dominique Chailley] - [compléter cette analyse]
05On avait apporté les guitar's avec nous
06Car, devant la musique, il tombait à genoux,
07Excepté toutefois les marches militaires
08Qu'il écoutait en se tapant le cul par terre.
Marches militaires
C'est un relent des idées anarchistes que GB côtoya dans sa jeunesse. Ne disait-on pas : "La musique militaire est à la musique ce que la justice militaire est à la justice" ?
[contact auteur : Dominique Chailley] - [compléter cette analyse]
 
09Émules de Django, disciples de Crolla,
Crolla
Henri Crolla, guitariste et jazzman français d'origine italienne, contemporain de Django Reinhart, au phrasé plus méditatif, moins brillant mais d'une élégance parfaite. Il a fait entre autres la musique du Ballon Rouge, un film délicieux d'Albert Lamorisse. Un disque lui est consacré dans la collection Gitanes, Jazz in Paris.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
Django
Django Reinhardt est cité deux fois dans les chansons de Brassens, une fois entre la rue Didot et la rue de Vanves et une fois ici. Mais Django est présent dans tout le répertoire de Brassens puisqu'en regardant de plus près la guitare de Brassens, on se rend compte qu'il jouait sur des cordes Argentine, que sa guitare possède un cordier et que si elles avaient un pan coupé ses guitares seraient les répliques des guitare Selmer qu'utilisait Django.
[contact auteur : Gilles M] - [compléter cette analyse]
10Toute la fine fleur des cordes était là
L'ancêtre
Réduire "la fine fleur des cordes" aux seuls guitaristes est peu aimable pour les autres instrumentistes "à cordes" que sont les violonistes, altistes, violoncellistes, contrebassistes... et quelques autres (luth, banjo, mandoline)...
[contact auteur : Dominique Chailley] - [compléter cette analyse]
Complément
Il ne faut toutefois pas taxer Brassens de sectarisme en matière d'instruments à cordes. Certes passionné de guitare, il fit appel à un grand accompagnateur contrebassiste, Pierre Nicolas.
Grand amateur de Reinhardt et Crolla, il apprécia sans doute le violoniste de jazz, stéphane Grapelli.

[contact auteur : Thierry D]
Fine fleur
Terme de meunerie : la fleur de farine, c'est la partie la plus fine de la mouture, a fortiori "la fine fleur" : au sens figuré, c'est donc l'élite de l'élite.
[contact auteur : Bernard P.] - [compléter cette analyse]
11Pour offrir à l'ancêtre, en signe d'affection,
12En guis' de viatique, une ultime audition.
Viatique
Sacrement de l'eucharistie administré à un chrétien en danger de mort Larousse
[contact auteur] - [compléter cette analyse]
Viatique
Le viatique, c'est aussi littéralement les provisions pour le voyage. L'Eucharistie étant un morceau de pain, on rejoint là les vieux rituels égyptiens, romains et autres, où l'on place dans la tombe de la nourriture, dans la bouche du mort une pièce de monnaie pour payer le voyage, etc. Les Chinois laissent de la nourriture sur les tombes et "nourrir les ancêtres" fait partie des obligations de tout un chacun.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
 
13Hélas ! les carabins ne les ont pas reçus,
Carabin
Le carabin est le surnom donné aux étudiants en médecine. C'est la définition qu'en donnent à la fois le Larousse et le Petit Robert.
On imagine donc que, vu l'heure probablement tardive à laquelle les amis de l'ancêtre viennent lui rendre visite à l'hospice, celui-ci n'est plus gardé que par des étudiants ou internes.
Etymologiquement, ce terme vient du vieux français 'escarrabin' (1521), signifiant 'ensevelisseur de pestiférés'. Tout se tient ! Cette tâche ingrate était dévolue aux étudiants, comme celle d'ailleurs de rester de garde aux heures indues. Et comme l'ancêtre est au bout de sa vie, il ne va pas tarder à devoir recourir aux services d'un ensevelisseur !

[contact auteur : Philippe Z.] - [compléter cette analyse]
14Les guitar's sont restées à la porte cochère,
Porte cochère
C'était la porte par laquelle sortaient les coches ou fiacres. La porte elle-même a généralement deux pans, avec le haut en demi-lune, et descend jusqu'au parterre. Elle est, bien sûr, assez haute pour laisser passer un coche. Côté bâtiment, derrière la porte, se trouve une arcade menant à une cour intérieure.
[contact auteur : Fabrice Guerini] - [compléter cette analyse]
15Et le dernier concert de l'ancêtre déçu
16Ce fut un pot-pourri de cantiques, peuchère !
 
17Quand nous serons ancêtres,
18Du côté de Bicêtre,
Bicêtre
Bicêtre a passé par différents états au cours de l'Histoire : maison de campagne, confrérie de Pères Chartreux, Château de Winchester (déformé en Vincestre, qui a plus tard donné Bicêtre), hôpital de pauvres, de déchus, de vieillards, de criminels et fous, puis prison reconvertie en hôpital spécialisé.
[contact auteur] - [compléter cette analyse]
19Pas de musique d'orgue, oh ! non,
Orgue
Nourri de chansons durant son enfance, Brassens ne semble pas avoir goûté la musique d'orgue, sans doute trop évocatrice de cérémonies religieuses auxquelles il était peut-être contraint, étant enfant, d'assister. Dans La marche nuptiale, il s'évoque au (re-)mariage de sa mère : Sur mon harmonica jouant les grandes orgues.
[Mais on ne sache pas qu'il se soit jamais intéressé à cet instrument fabuleux, à la différence d'un autre musicien "populaire", Freddy Balta, l'accordéoniste d'Yves Montand qui, lui, avait obtenu un prix d'orgue au Conservatoire de Paris dans la classe de Marcel Dupré et, toute sa vie, avait collectionné les documents sur les orgues à tuyaux. Même, il en avait deux chez lui, qui furent vendus le 12 décembre 2004 à Nogent-sur-Marne, aux enchères.]

[contact auteur : Dominique Chailley] - [compléter cette analyse]
20Pas de chants liturgiques
21Pour qui aval' sa chique,
Avaler sa chique
C'est-à-dire mourir.
On dit aussi "avaler son bulletin de naissance".

[contact auteur : Bruno Barral] - [compléter cette analyse]
22Mais des guitar's, cré nom de nom !
 
23On avait apporté quelques litres aussi,
24Car le bonhomme avait la fièvre de Bercy
Bercy
Bercy fut, jusqu'aux années 70, un des plus importants centres de négoce de vins en France.
[contact auteur : Alex D.] - [compléter cette analyse]
Complément
état pathologique en médecine précédant la phase de delirium tremens
[contact auteur : Jl Murat]
25Et les soirs de nouba, parol' de tavernier,
Nouba
Faire la nouba, c'est dès la fin XIXe faire bombance, mais Brassens ignorait peut-être qu'il réintroduisait ici la musique militaire : au départ, la nouba est la musique des tirailleurs algériens, qui se faisait à tour de rôle devant la maison de chaque officier du régiment.
[contact auteur : Bernard P.] - [compléter cette analyse]
26À rouler sous la table il était le dernier.
27Saumur, Entre-Deux-Mers, Beaujolais, Marsala,
Marsala
Pas facile de trouver une rime en "la" dans le vignoble français, du moins si l'on reste dans les appellations très connues... Le marsala est un vin blanc de Sicile, produit près de la ville portuaire du même nom.
[contact auteur : Bernard P.] - [compléter cette analyse]
28Toute la fine fleur de la vigne était là
29Pour offrir à l'ancêtre, en signe d'affection,
30En guis' de viatique, une ultim' libation.
Libation
Ce nom, plus fréquent au pluriel, désigne d'abord le vin versé, et parfois consommé, lors des sacrifices religieux antiques. (On reste dans le même domaine que "viatique".)
[contact auteur : Bernard P.] - [compléter cette analyse]
 
31Hélas ! les carabins ne les ont pas reçus,
32Les litres sont restés à la porte cochère,
33Et l' coup de l'étrier de l'ancêtre déçu
Coup de l'étrier
Désigne le coup de 'gnole' pris à la fin d'un repas pour faire digérer.
[contact auteur : Alex D.] - [compléter cette analyse]
Coup de l'étrier
C'était aussi le coup que l'on buvait juste avant de mettre le pied à l'étrier (ou juste après), et donc "le dernier pour la route" comme on dit aussi. La coutume, à ma connaissance, existe encore avant les chasses à courre en Angleterre, où les cavaliers, une fois en selle, boivent "the stirrup cup", la coupe de l'étrier.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
34Ce fut un grand verre d'eau bénite, peuchère !
 
35Quand nous serons ancêtres,
36Du côté de Bicêtre,
37Ne nous faites pas boire, oh ! non,
38De ces eaux minéral's, bénites ou lustrales,
Lustrale
L'eau lustrale est l'eau de la purification, entre autres celle du baptême. Déjà, à Rome, avant l'ère chrétienne, les nouveau-nés étaient purifiés au cours d'une cérémonie appelée lustration. L'eau bénite à l'entrée des églises symbolise cette "toilette", cette purification que les Musulmans pratiquent aussi : à l'entrée de la mosquée, on se lave même les pieds.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
39Mais du bon vin, cré nom de nom !
 
40On avait emmené les belles du quartier,
41Car l'ancêtre courait la gueuse volontiers.
Courir la gueuse
C'est bien sûr "courir les filles" ; mais le mot "gueuse", féminin de l'argot "gueux" qui remonte à François Villon (1452), ajoute une dimension populaire, voire "de mauvaise vie". Les monarchistes ont longtemps qualifié de Gueuse la République française.
Brassens rappelle très souvent la dignité (cf. vers suivant) des femmes méprisées, rejoignant en cela la thématique de Marie Madeleine.

[contact auteur : Bernard P.] - [compléter cette analyse]
42De sa main toujours leste et digne cependant
43Il troussait les jupons par n'importe quel temps.
44Depuis Manon Lescaut jusques à Dalila
Manon Lescaut et Dalila
Héroïne du roman éponyme de l'Abbé Prévost, Manon oscille entre la débauche et l'amour véritable dans tout ce roman du XVIIIème siècle.
Dalila, héroïne biblique, qui séduit Samson pour obtenir le secret de sa force légendaire, puis le trahit pour les Philistins.
Ces deux personnages évoquent, dans deux contextes différents, la séduction, la débauche, mais aussi la trahison.

[contact auteur : Rémi Bensoussan] - [compléter cette analyse]
45Toute la fine fleur du beau sexe était là
46Pour offrir à l'ancêtre, en signe d'affection,
47En guis' de viatique, une ultime érection.
 
48Hélas ! les carabins ne les ont pas reçues,
49Les belles sont restées à la porte cochère,
50Et le dernier froufrou de l'ancêtre déçu
51Ce fut celui d'une robe de sœur, peuchère !
 
52Quand nous serons ancêtres,
53Du côté de Bicêtre,
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Merci de votre compréhension.
54Pas d'enfants de Marie, oh ! non,
Enfants de Marie
Mouvement de jeunesse catholique de l'entre-deux guerre réservé aux filles (il y a eu aussi les Croisés, pour les garçons) surtout consacré à la prière pour le salut du monde, face à la menace athée en général et communiste en particulier. Par extension, une Enfant de Marie signifiait une Sainte Nitouche. Des spécialistes ont remarqué que le culte de la Vierge Marie est relancé par Rome chaque fois que l'Église se sent en danger.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
Complément
"Les Enfants de Marie" est antérieur à l'entre-deux-guerres (ou alors peut-être entre 1870 et 1914) puisque la 2e édition de son "Manuel..." date de 1906. On en trouvera de savoureux extraits sous www.denistouret.net/textes/Enfants_de_Marie.html.
[contact auteur : Dominique Chailley]
55Remplacez-nous les nonnes
56Par des belles mignonnes
57Et qui fument, cré nom de nom !
Fument
Cf. l'interjection obscène: "Fume! C'est du (tabac) belge!"
Allusion directe au talent des "tailleuses de pipe" et autres virtuoses de la fellation.

[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
Complément
En dépit des vers 46-47, je ne pense pas que GB ait voulu mettre là un sous-entendu obscène, trop vulgaire pour lui. Peut-être me trompé-je. Mais le fait de fumer en public était encore, pour une femme et même dans le milieu de St-Germain-des-Prés, l'indice d'un caractère libre et affranchi des conventions bourgeoises.
[contact auteur : Dominique Chailley]

Georges Brassens