ANALYSE BRASSENS présente un site ami :
Partir un an : les aventures dessinéssinées de Chérie et Chéri
Georges Brassens, Supplique pour être enterré à la plage de Sète
Le grand chêne
Fabueux fabuliste
Ou GB rencontre La Fontaine
j'ai toujours dès la première fois où j'ai entendu cette chanson, pensé à une fable un pastiche ? de LF
conforté en cela par le "héros" de l'histoire et l'allusion très direcye à LF

[contact auteur : P G] - [compléter cette analyse]
01Il vivait en dehors des chemins forestiers,
Il vivait en dehors...
On ne peut s'empêcher de faire le parallèle avec le début dans Les trompettes de la renommée :
Je vivais à l'écart de la place publique...

[contact auteur : Martineau Roger] - [compléter cette analyse]
02Ce n'était nullement un arbre de métier,
Un arbre de métier
L'expression suggère, comme "en dehors des chemins forestiers", un arbre qui n'a pas été planté.
Métaphore du poète, homme libre, canard sauvage, que Jean Richepin, dans Les oiseaux de passage, opposait à la "volaille" domestique.

[contact auteur : Dominique Chailley] - [compléter cette analyse]
Complément
Non, je pense que "ce n'était pas un arbre de métier" introduit de prime abord la notion de jeunesse, de naïveté et de candeur, qui va amener la suite, c'est-à-dire des sagouins de roseaux qui vont empoisonner la vie du chêne. Il y a dans cette chanson une température qui n'a pas été relevée : celle de la recherche de la paix qui conduit à des tromperies et des avanies que la mort achèvera, mais comme d'habitude avec GB, même après cela, l'espoir est encore là (il n'y a pas de chêne en paradis?)
[contact auteur : Ménad Chenaf]
03Il n'avait jamais vu l'ombre d'un bûcheron,
04Ce grand chêne fier sur son tronc.
 
05Il eût connu des jours filés d'or et de soie
06Sans ses proches voisins, les pires gens qui soient :
07Des roseaux mal pensant, pas même des bambous,
Roseau pensant
L'Homme n'est qu'un roseau, le plus faible de la Nature. Mais c'est un roseau pensant. (Pascal)
[contact auteur : Alex L.] - [compléter cette analyse]
08S'amusant à le mettre à bout.
 
09Du matin jusqu'au soir ces petit rejetons,
10Tout juste cann's à pêch', à peine mirlitons,
11Lui tournant tout autour, chantaient, in extenso,
In extenso
L'expression "in extenso" est d'origine latine, elle a un sens équivalent à "dans son intégralité", par opposition à "par extrait". Ainsi lire un acte (contrat, testament ou jugement) "in extenso" c'est en faire la lecture du premier au dernier mot.
[contact auteur : Charles Aknin] - [compléter cette analyse]
12L'histoir' du chêne et du roseau.
Le Chêne et le Roseau
Fable de La Fontaine (Livre I. Fable 22.)
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
 
13Et, bien qu'il fût en bois, (les chênes, c'est courant),
être de bois
Être insensible.
S'emploie surtout à la forme négative : "je ne suis pas de bois" = je ne suis pas indifférent, ça ne me laisse pas insensible, ça me touche (cf. le "juge en bois brut" dans Le gorille)

[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
14La fable ne le laissait pas indifférent.
15Il advint que lassé d'être en butte aux lazzi,
Lazzi
Moqueries, insultes bouffonnes.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
Complément
Appartient au vocabulaire de la comédie italienne. Désignait à l'origine les plaisanteries des acteurs à l'intention du public. Par un "retour de flamme", le mot sert aujourd'hui à désigner les railleries, voire les sifflets du public à l'endroit des acteurs qui n'ont pas l'heur de lui plaire.
[contact auteur : Dominique Chailley]
16Il se résolut à l'exil.
Lazzi - exil
Rime, ou plutôt "assonance", qui peut paraître bizarre. Pourtant, la terminaison "il" se prononçait simplement "i" dans certaines régions, et en particulier le Midi, dont GB est originaire (ex: baril, nombril, persil, grésil).
On en a des traces de survie dans la prononciation actuelle de "sourcils", "fournil", "plaît-il?", "fusil", "outil" et "fils de garce" (prononcé fi de garce).

[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
 
17À grand-peine il sortit ses grands pieds de son trou
18Et partit sans se retourner ni peu ni prou.
Sans se retourner
Depuis le mythe d'Orphée, se retourner lorsqu'on quitte un lieu est un signe de faiblesse. Or le chêne est "fier sur son tronc" comme d'autres sont droits dans leurs bottes...
[contact auteur : Dominique Chailley] - [compléter cette analyse]
19Mais, moi qui l'ai connu, je sais bien qu'il souffrit
20De quitter l'ingrate patrie.
Ingrate patrie
Ingrate patrie, tu n'auras pas mes os. : paroles attribuées à Scipion l'Africain (235-183 av. JC) vainqueur d'Hannibal à la bataille de Zama, il conquit Carthage. Mais, accusé de concussion par Caton l'Ancien, il se retira et mourut sur ses terres, en Campanie.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
 
21À l'orée des forêts, le chêne ténébreux
22A lié connaissance avec deux amoureux.
23"Grand chêne, laisse-nous sur toi graver nos noms..."
24Le grand chêne n'a pas dit non.
 
25Quand ils eur'nt épuisé leur grand sac de baisers,
26Quand, de tant s'embrasser, leurs becs furent usés,
27Ils ouïrent alors, en retenant des pleurs,
28Le chêne contant ses malheurs.
 
29"Grand chêne, viens chez nous, tu trouveras la paix,
30Nos roseaux savent vivre et n'ont aucun toupet,
Toupet
à l'origine, touffe de cheveux, houppe. Au début du XIXème siècle, le mot prend le sens familier de culot, audace, effronterie, insolence. Le Petit Robert
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
31Tu feras dans nos murs un aimable séjour,
32Arrosé quatre fois par jour."
 
33Cela dit, tous les trois se mirent en chemin,
34Chaque amoureux tenant une racine en main.
35Comme il semblait content ! Comme il semblait heureux !
36Le chêne entre ses amoureux.
 
37Au pied de leur chaumière ils le firent planter.
38Ce fut alors qu'il commença de déchanter
39Car, en fait d'arrosage, il n'eut rien que la pluie
40Des chiens levant la patt' sur lui.
 
41On a pris tous ses glands pour nourrir les cochons,
42Avec sa belle écorce on a fait des bouchons,
Bouchons
Licence poétique, sans doute: l'écorce des (grands) chênes n'est pas utilisée pour faire des bouchons. Il s'agit de celle du chêne-liège, cousin du petit chêne vert, que l'on trouve en Provence. En revanche, l'écorce du (grand) chêne est utilisée en corroyage, opération qui suit le tannage des cuirs et sert à les assouplir.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
43Chaque fois qu'un arrêt de mort était rendu,
44C'est lui qui héritait du pendu.
Hériter du pendu
Une vieille croyance attribue à la corde du pendu des mérites de protection et de chance. Ici, GB ironise sur la chance qu'a un arbre de se voir confier un pendu.
[contact auteur : Martineau Roger] - [compléter cette analyse]
 
45Puis ces mauvaises gens, vandales accomplis,
Mauvaises gens
Ce sont pourtant les mêmes gens qui, jadis, l'écoutaient "en retenant des pleurs" : leur sincérité d'alors n'est pas mise en doute mais avec l'âge et l'amour s'émoussant, des gens estimables peuvent devenir "mauvais".
C'est la morale de cette fable que La Fontaine n'eût sans doute pas désavouée.

[contact auteur : Dominique Chailley] - [compléter cette analyse]
46Le coupèrent en quatre et s'en firent un lit.
47Et l'horrible mégère ayant des tas d'amants,
La sonorité de la première moitié du vers 47
Apprécier au passage le roulement craquant de la sonorité de "l'horrible mégère". Il n'y a vraiment pas là de quoi inciter au stupre... GB est magistral sur ces aspects !
[contact auteur : Ménad Chenaf] - [compléter cette analyse]
48Il vieillit prématurément.
 
49Un triste jour, enfin, ce couple sans aveu
Sans aveu
Sans scrupule, sans foi ni loi
[contact auteur : Stéphane Le Bourhis] - [compléter cette analyse]
50Le passa par la hache et le mit dans le feu
51Comme du bois de caisse, amère destinée !
Amère destinée
...et humiliation suprême si l'on se souvient que le chêne était l'arbre sacré de nos ancêtres les Gaulois, au pied duquel les prêtres (druides) se rassemblaient pour des rituels annuels comme la cueillette du gui.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
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52Il périt dans la cheminée.
 
53Le curé de chez nous, petit saint besogneux,
Petit saint besogneux
Besogneux : consciencieux mais sans grande intelligence.
Associée à "petit saint" - qui s'emploie ironiquement pour désigner un hypocrite - l'expression témoigne d'un réel mépris pour le personnage sinon pour sa fonction.

[contact auteur : Dominique Chailley] - [compléter cette analyse]
54Doute que sa fumée s'élève jusqu'à Dieu.
Sa fumée s'élève jusqu'à Dieu
Allusion à l'histoire de Caïn et d'Abel, dans la Genèse. La fumée des sacrifices d'Abel monte directement vers Dieu (Abel est berger et sacrifie des agneaux). La fumée des sacrifices de Caïn, (il est agriculteur et offre "des produits du sol") en revanche, reste au ras de terre, ce qui signifie que Dieu ne les apprécie pas. Jaloux, il tue son frère. Les spécialistes voient là une évocation du conflit ancien entre l'économie pastorale nomade, et l'agriculture sédentaire.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
55Qu'est-c' qu'il en sait, le bougre, et qui donc lui a dit
56Qu'y a pas de chêne en paradis ?
57Qu'y a pas de chêne en paradis ?
Chêne ou chaîne...
On peut bien entendu le comprendre comme "qu'y a pas de 'chaîne' en paradis"...et la chanson prend une autre dimension.
On retrouve une partie de la philosophie de Brassens sur l'au-delà... un au-delà pas forcement meilleur... Cette chanson devient alors une métaphore de la condition humaine ô combien actuelle avec ce mouvement perpétuel et les illusions perdues.

[contact auteur : Pierre Grillet] - [compléter cette analyse]
Complément
On peut aussi comprendre que Brassens, comme à son habitude, nous dit que quand tout est fichu, l'espoir existe encore : malgré sa vie dure et sa fin tragique, notre chêne peut encore prétendre au bonheur, pourquoi pas? puisque personne n'a affirmé "qu'il n'y a pas de chêne en paradis"...
[contact auteur : Ménad Chenaf]

Georges Brassens