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- La fessée
- 01La veuve et l'orphelin, quoi de plus émouvant ?
- 02Un vieux copain d'école étant mort sans enfants,
- 03Abandonnant au monde une épouse épatante,
- 04J'allai rendre visite à la désespérée.
- 05Et puis, ne sachant plus où finir ma soirée,
- 06Je lui tins compagnie dans la chapelle ardente.
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- 07Pour endiguer ses pleurs, pour apaiser ses maux,
- 08Je me mis à blaguer, à sortir des bons mots,
- 09Tous les moyens sont bons au médecin de l'âme...
- 10Bientôt, par la vertu de quelques facéties,
- 11La veuve se tenait les côtes, Dieu merci !
- 12Ainsi que des bossus, tous deux nous rigolâmes.
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- 13Ma pipe dépassait un peu de mon veston.
- 14Aimable, elle m'encouragea : "Bourrez-la donc,
- 15Qu'aucun impératif moral ne vous arrête,
- 16Si mon pauvre mari détestait le tabac,
- 17Maintenant la fumée ne le dérange pas !
- 18Mais où diantre ai-je mis mon porte-cigarettes ?"
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- 19À minuit, d'une voix douce de séraphin,
- 20Elle me demanda si je n'avais pas faim.
- 21"Ça le ferait-il revenir, ajouta-t-elle,
- 22De pousser la piété jusqu'à l'inanition
- 23Que diriez-vous d'une frugale collation ?"
- 24Et nous fîmes un petit souper aux chandelles.
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- 25"Regardez s'il est beau ! Dirait-on point qu'il dort ?
- 26Ce n'est certes pas lui qui me donnerait tort
- 27De noyer mon chagrin dans un flot de champagne."
- 28Quand nous eûmes vidé le deuxième magnum,
- 29La veuve était émue, nom d'un petit bonhomme!
- 30Et son esprit se mit à battre la campagne...
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- 31"Mon dieu, ce que c'est tout de même que de nous !"
- 32Soupira-t-elle, en s'asseyant sur mes genoux.
- 33Et puis, ayant collé sa lèvre sur ma lèvre,
- 34"Me voilà rassurée, fit-elle, j'avais peur
- 35Que, sous votre moustache en tablier d' sapeur,
- 36Vous ne cachiez coquettement un bec-de-lièvre..."
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- 37Un tablier d' sapeur, ma moustache, pensez !
- 38Cette comparaison méritait la fessée.
- 39Retroussant l'insolente avec nulle tendresse,
- 40Conscient d'accomplir, somme toute, un devoir,
- 41Mais en fermant les yeux pour ne pas trop en voir,
- 42Paf ! J'abattis sur elle une main vengeresse !
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- 43"Aïe ! Vous m'avez fêlé le postérieur en deux !"
- 44Se plaignit-elle, et je baissai le front, piteux,
- 45Craignant avoir frappé de façon trop brutale.
- 46Mais j'appris par la suite, et j'en fus bien content,
- 47Que cet état de chos's durait depuis longtemps :
- 48Menteuse ! La fêlure était congénitale.
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- 49Quand je levai la main pour la deuxième fois,
- 50Le coeur n'y était plus, j'avais perdu la foi,
- 51Surtout qu'elle s'était enquise, la bougresse :
- 52"Avez-vous remarqué que j'avais un beau cul ?"
- 53Et ma main vengeresse est retombée, vaincue,
- 54Et le troisième coup ne fut qu'une caresse...
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- 55"Avez-vous remarqué que j'avais un beau cul ? "
- 56Et ma main vengeresse est retombée, vaincue,
- 57Et le troisième coup ne fut qu'une caresse...
Georges Brassens
<<(1966 - Supplique pour être enterré à la plage de Sète, 3)>>
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