Mélodie Brassens a utilisé deux fois la même mélodie, d'abord sur ce poème d'Aragon puis, dans l'album 3, sur le poème de Francis Jammes, La prière.
Il s'en est expliqué dans une interview où il explique qu'au XIXème siècle circulaient des mélodies de base (un peu comme pour le BLUES en jazz) sur lesquels les chanteurs pouvaient faire coller les paroles qu'ils avaient composées. Ces mélodies passe-partout s'appelaient des "timbres".
Les timbres ont été utilisés jusque dans les années 50 en France, notamment par les chansonniers du Grenier de Montmartre (sur Paris Inter) qui écrivaient ou même improvisaient des couplets d'actualité sur des airs standards, dont le public reprenait les refrains.
Mais voyant que ce qu'il avait cherché à ressusciter était mal compris, ("Qui c'est ce flemmard qui nous sert deux chansons sur le même air?") Brassens ne renouvela pas l'expérience. [contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
Aragon Ce poème est, à ma connaissance, le seul d'Aragon que Brassens ait mis en musique. Il existe en revanche un album entier de poèmes d'Aragon mis en musique par Léo Ferré, un autre anarchiste plus ou moins militant, ce qui est assez rigolo quand on sait qu'Aragon avait fait allégeance à Staline et passa sa vie au service du PC. Ceci dit, l'album Ferré-Aragon est un vrai chef d'oeuvre (L'Affiche Rouge, Est-ce ainsi que les Hommes vivent ? etc.)
Jean Ferrat, compagnon de route du PC, a lui aussi mis Aragon en musique. [contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
N-ième complément Ce poème est extrait d'un recueil de Louis Aragon nommé "La Diane française" sorti en 1946. Diane était une déesse romaine, souvent associée -comme Artémis- à la Lune, et donc à la fécondité. Par ailleurs, parler de Diane française, c'est faire un parallèle entre la fécondité, la féminité d'une part, et d'autre part de la France, de la patrie. L'association du mater et du pater dans ce poème est flagrante, puisque elle est figurée par l'amour qu'Aragon porte pour Elsa Triolet, et par celui qu'il porte pour sa patrie. Aragon était en effet un résistant pendant la seconde guerre mondiale, rangé aux côtés des communistes. Il était d'ailleurs à Lyon, capitale de la Résistance, lorsqu'il écrit ce poème en janvier 1943, peu avant la victoire des Soviétiques à Stalingrad.
On connait l'indifférence chantée de Brassens pour la guerre de l'an 1940 -à laquelle Aragon a volontairement participé-, il ne devait donc pas vraiment porter Aragon dans son coeur, puisqu'il a même supprimé le dernier couplet, dans lequel le poète clame explicitement son amour dégoulinant pour la France opprimée, salie et humiliée : "Et pas plus que de toi l'amour de la patrie - Il n'y a pas d'amour qui ne vive de pleurs".
On voit ici que, en retirant simplement l'ultime couplet du texte original, GB réussit à transformer le discours apologétique de la mère patrie d'Aragon. A travers Aragon, c'est tout le communisme que GB démonte, en particulier le leitmotiv de tout bon communiste qui est d'apporter autant d'amour à son prochain qu'à son parti.
Une anecdote amusante, c'est que GB reprendra ce poème quelques 10 ans après que Louis Aragon l'ait écrit, soit en juin 1953, trois mois après la mort de Staline, comme s'il avait souhaité avec ce poème enterrer les illusions de ceux qui comme Aragon, croyaient au stalinisme. De fait, en 1956 et le rapport Khrouchtchev aidant, Aragon verra ses illusions s'écrouler et retourner au surréalisme d'avant guerre. [contact auteur : Damien V.] - [compléter cette analyse]
Complément Pas d'accord sur Diane. La diane est la sonnerie de clairon jouée au lever du jour (dies, en latin) pour réveiller les soldats. Le titre du recueil d'Aragon relève clairement du registre militaire et appelle au réveil de la France occupée.
Le rapprochement avec la date de sortie (juin 1853), soit effectivement trois mois après la mort de Staline (mars 1953), est intéressant, mais l'on ne peut dire qu'Aragon soit retourné après au surréalisme de ses débuts. Quant à ses prétendues illusions, j'ai bien peur que ce soit plus grave: Aragon savait, et il s'est démarqué du stalinisme, quand cela a été impossible de faire autrement.
Intéressante également cette interprétation de la suppression, de l'étêtage dirais-je (sauf qu'il s'agit du couplet final), du poème originel, suppression vue comme démontage par Brassens du communisme. Cela dit, je pense que Damien V. manie l'ironie en parlant de l'amour du prochain qui anime les communistes: le communisme, sous toutes ses formes, détient le record inégalé de plus grand massacreur du XXe siècle. [contact auteur : Patrick Germain]
Complément En novembre 1948, Brassens cite Abel Gance "A force d'ouvrir les bras pour embrasser les hommes, on finit par ressembler à une croix". L'image a dû lui plaire, d'autant qu'il la retrouve à peu près dans Il n'y a pas d'amour heureux de Louis Aragon, qu'il découvre quelques temps après. Le 18 novembre 1950 il confiera à Toussenot : "J'ai composé une dizaine de chansons et je mets de la musique sur le poème d'Aragon. Je vais bientôt tenter de gagner ma prétendue vie".
C'était donc bien avant la mort de Staline, qui n'a rien à voir avec la musique composée par GB !!! [contact auteur : Pierre Schuller]
Complément Claudel a dit : L'amour est une promesse qui ne peut être tenue et sa grâce consiste en cela même
Oserais-je ajouter Gainsbourg : 'Je taime. Moi non plus ? Oui, sans doute, en oubliant le reste du texte... [contact auteur : André Gindorff]
Il n'y a pas d'amour heureux Venant d'Aragon, chantre de son amour pour Elsa, l'affirmation peut surprendre. Il s'en est expliqué dans une interview accordée au Magazine littéraire en 1967 : "Une conception assez haute de l'amour implique toujours que l'on n'arrive jamais à l'absolu que celui qui aime vraiment peut concevoir comme la seule vraie marque de son amour. On reste toujours en-deçà et tout homme qui aime vraiment est, à ses propres yeux, un criminel par rapport à son amour." [contact auteur : Philippe L.] - [compléter cette analyse]
Poème original Le poème original d'Aragon est légèrement plus long, puisqu'il ajoute un couplet, et finit par : Il n'y a pas d´amour heureux
Mais c´est notre amour à tous deux [contact auteur : N. D.] - [compléter cette analyse]
Une période d'Aragon Aragon s'explique dans la préface de son roman Bérénice. Ce poème correspond à une période difficile de sa vie, quand, à cause de la guerre et des mesures imposées par l'Etat, il ne pouvait mener pleinement la vie qu'il désirait avec Elsa. [contact auteur : Pierre S] - [compléter cette analyse]
Complément Le roman d'Aragon est intitulé Aurélien, même s'il est vrai que l'appeler "Bérénice" est un lapsus assez tentant. [contact auteur : P. M.]