ANALYSE BRASSENS présente un site ami :
Partir un an : les aventures dessinéssinées de Chérie et Chéri
Georges Brassens, Supplique pour être enterré à la plage de Sète
Le moyenâgeux
Moyenâgeux
Dans les années 1980, ce texte fut proposé tel quel aux étudiants brésiliens en quête du Diplôme Supérieur d’Etudes Françaises - Nancy 3ème degré
L’une des questions était entre autres de relever tous les termes qui de près ou de loin rappelaient le Moyen-Âge.

[contact auteur : Dominique C] - [compléter cette analyse]
01Le seul reproche, au demeurant,
02Qu'aient pu mériter mes parents,
03C'est d'avoir pas joué plus tôt
04Le jeu de la bête à deux dos.
Adam sans Eve
D'après la Bible et d'autres sources moins officielles (Légende Dorée, Kabbale...), Dieu aurait d'abord créé l'homme et la femme (qui n'était pas Eve) ensemble, à partir d'un être double, "à deux dos". Comme ça n'aurait pas marché, les deux étant de même force et se disputant (pour des histoires de position sexuelle, il paraît), Dieu aurait chassé la "première" première femme et aurait crée Eve à partir de la côte d'Adam, donc inférieure. Brassens fait allusion à ça, mais le "jeu de la bête à 2 dos" veut évidemment dire, au 1er degré, coucher.
[contact auteur : Matthias L.] - [compléter cette analyse]
Complément
Lilite: Nom de la premiére femme d'Adam.
[contact auteur : Michel Cancy]
Gargantua
Dans ce que l'on peut appeler le prologue de Gargantua, donc avant sa naissance, Rabelais écrit que les parents du géant avaient joué à ce jeu.
[contact auteur : Fire F.] - [compléter cette analyse]
La bête à deux dos
Référence bien sûr à Rabelais, inventeur de cette expression du "jeu de la bête à deux dos"
[contact auteur : Antoine H.] - [compléter cette analyse]
 
05Je suis né, même pas bâtard,
06Avec cinq siècles de retard.
07Pardonnez-moi, Prince, si je
Prince
Prince : allusion au "prince" auquel sont dédiées traditionnellement les ballades.
Voir : "Les amours d'antan" :
"Mon prince, on a les dames du temps jadis qu'on peut"

[contact auteur : Jean-françois Burlot] - [compléter cette analyse]
08Suis foutrement moyenâgeux.
 
09Ah ! que n'ai-je vécu, bon sang
10Entre quatorze et quinze cent.
11J’aurais retrouvé mes copains
Copains
L'emploi de ce mot ici n'est pas anodin.
Ce mot familier est attesté depuis le XIme siècle (compain) : celui avec qui on partage le pain.
Pour Brassens, comme dit la chanson, "c'est ce qu'il y a de meilleur au monde". Utilisez le moteur de recherche du site pour voir les occurrences de ce mot dans ses chansons.

[contact auteur : Jean-françois Burlot] - [compléter cette analyse]
12Au Trou de la Pomme de Pin,
Au trou de la pomme de pin
La "Pomme de pin" est une taverne citée par Villon dans "Le Lais" (Strophe XIX)
[contact auteur : Jean-françois Burlot] - [compléter cette analyse]
Au trou de la pomme de pin
Cette taverne apparaît également au verset CI du "Testament" du même Villon :
"Se sans moy boyt, assiet ne lieve
Au trou de la Pomme de Pin."

[contact auteur : Jean-françois Burlot] - [compléter cette analyse]
 
13Tous les beaux parleurs de jargon,
Jargon
Jargon : Le langage codé des truands, l'argot. Villon a écrit plusieurs "ballades en jargon"
[contact auteur : Jean-françois Burlot] - [compléter cette analyse]
14Tous les promis de Montfaucon,
Montfaucon
L'emplacement du gibet (près du quartier du Temple, à l'époque en dehors de Paris), utilisé du 12e au 17e siècle.
[contact auteur : Jean-françois Burlot] - [compléter cette analyse]
15Les plus illustres seigneuries
16Du royaum' de truanderie.
Truanderie
Petite entorse au vieux français qui disait truandise :
Truandise, actions et vie d'un truand. Truandise, est quelquesfois usurpé pour malice, meschanceté.

Nicot, Thresor de la langue françoyse, 1606

[contact auteur : Dominique C] - [compléter cette analyse]
 
17Après une franche repue,
Franche repue
Repeuë, f. penac. Est ores particip. celle qui a mangé et beu competemment, Pasta, Et ores simple nom, et signifie tantost un repas, soit le desjeuner, disner, resiner ou soupper, et selon ce on dit, tu es un cercheur de franches repeuës, Tu es mensarum assecla, Sectator, Parasitus, et, Apres la
repeuë, Post epulas, a prandio, aut a coena, Cibo sumpto, Et tantost un intervalle et distance d'entre deux lieux, lequel estant cheminé, le voyageur doive raisonnablement faire un repas, c'est à dire cesser le cheminer, pour se mettre à repaistre, Ea itineris longitudo quam quum gradiendo emensus fueris, merito tibi sit escis ac potionibus vescendum. Cic. lib. 2. de nat. deor.
Selon ce on dit, De Paris à Corbeil il y a une repeuë, une disnée, une souppée.

Nicot, Thresor de la langue françoyse, 1606

[contact auteur : Dominique C] - [compléter cette analyse]
18J’eusse aimé, toute honte bue,
Toute honte bue
C'est à dire : devenu insensible à la honte, après avoir subi toutes les humiliations, ou avoir commis tous les méfaits.

Le "Testament" de F. Villon commence ainsi :
"En l'an de mon trentième age,
Que toutes mes hontes j'eus bues,"


Voir également : "Le blason" :
"toute honte bue, toute"

[contact auteur : Jean-françois Burlot] - [compléter cette analyse]
Toute honte bue
"toute honte" bue fait allusion à la Passion du Christ, la dernière humiliation de Jésus étant de devoir boire du vinaigre. Il dit d'ailleurs juste après "c'est achevé" : toute sa honte est bue, littéralement.
[contact auteur : Matthias L.] - [compléter cette analyse]
19Aller courir le cotillon
Cotillon
Anciennement, jupon porté surtout par les paysannes
[contact auteur] - [compléter cette analyse]
Cotillon
On retrouve le mot dans d'autres textes "archaïsants" de Brassens : Dans l'eau de la claire fontaine, La chasse aux papillons, Les amours d'antan...
[contact auteur : Jean-Yves E.] - [compléter cette analyse]
20Sur les pas de François Villon,
Villon
A noter que comme son maître, Brassens place le nom Villon à la rime, associé ici au nom "cotillon" et que Villon lui-même associait à "carillon" ou à "corbillon" (dans deux poèmes différents), pour citer les mots dont le son est proche de celui-ci...
[contact auteur : Mathieu Rasoli] - [compléter cette analyse]
 
21Troussant la gueuse et la forçant
22Au Cimetière des Innocents,
Le Cimetière des Innocents
Ancien cimetière de Paris, dans l'ancien quartier des Halles, de 1186 à 1786.
Fut remplacé par un marché, puis par un square en 1855. Il était entouré de galeries de charniers (voir plus loin : le charnier des Innocents) Le Petit Robert

[contact auteur : Jean-françois Burlot] - [compléter cette analyse]
Complément
Les cochons venaient fouiller le sol pour se nourrir dans les tombes creusées a faible profondeur du moins jusqu'au règne de Phillipe Auguste qui fit enclore le cimetiére.
[contact auteur : Michel Cancy]
La Cour des Miracles
Le cimetière des Innocents (qui n'est pas resté cimetière très longtemps, au XVIIIème c'était le "charnier des Innocents") était surtout un repère de voleurs et d'assassins, et c'est pour ça qu'on l'a démoli.
[contact auteur : Matthias L.] - [compléter cette analyse]
23Mes amours de ce siècle-ci
24N'en aient aucune jalousie...
 
25J’eusse aimé le corps féminin
26Des nonnettes et des nonnains
Nonnains
Cas régime en "-ain" de "nonne", comme pute/putain.
Le rapprochement n'est sans doute pas anodin...

[contact auteur : Jean-françois Burlot] - [compléter cette analyse]
Complément
L'autre doublon en ancien français est ante/antain, la tante. Mais ça n'a rien à voir
[contact auteur : Mathieu Rasoli]
27Qui, dans ces jolis temps bénis,
Temps bénis
Evidemment, joli emploi ironique de l'adjectif "béni" pour qualifier un temps où l'on détrousse les nonnes
[contact auteur : Mathieu Rasoli] - [compléter cette analyse]
28Ne disaient pas toujours "nenni",
Les nonnes couchaient
Effectivement à la fin du Moyen-Âge et à la renaissance les ecclésiastiques ne respectaient pas vraiment la règle de chasteté.
[contact auteur : Matthias L.] - [compléter cette analyse]
Nenni
Nenni : De l'ancien français nen il = pas oui.
On disait d'un homme complaisant qu'avec lui il n'y avait point de nenni.
Merveilleuse façon qu'a eu Brassens de nous dire que les nonnes étaient complaisantes.

[contact auteur : Dominique C] - [compléter cette analyse]
 
29Qui faisaient le mur du couvent,
30Qui, Dieu leur pardonne ! souvent,
31Comptaient les baisers, s'il vous plaît,
32Avec des grains de chapelet.
Grains de chapelet
(religion) objet de piété constitué de grains enfilés sur un cordon que l'on fait défiler un à un entre les doigts en récitant des prières.
Ex : il égrène son chapelet en récitant ses prières .

[contact auteur : Mathieu L.R.] - [compléter cette analyse]
 
33Ces p'tit's soeurs, trouvant qu'à leur goût
34Quatre évangil's c'est pas beaucoup,
35Sacrifiaient à un de plus
36L'évangile selon Vénus.
 
37Témoin : l'abbesse de Pourras,
Témoin : l'abbesse de Pourras
Villon - Le Testament - verset CXV :
"Des ans y a demye douzaine
Qu'en son hostel de cochons gras
M'apatella une sepmaine,
Tesmoing l'abesse de Pourras."


Dans les notes de Pierre Michel dans "Villon - Poésies complètes" Le livre de poche N° 1216, on lit :
"L'abbesse de Pourras était de fort mauvaise réputation; promue abbesse en 1454, emprisonnée pour inconduite à l'abbaye de Pont-aux-Dames, réintégrée et définitivement dépossédée de son abbaye en 1463. Elle défraya la chronique scandaleuse de son temps, mais rien ne prouve que Villon l'ait connue personnellement."

[contact auteur : Jean-françois Burlot] - [compléter cette analyse]
Double-sens de témoin
Ici, "gag" de Brassens, qui reprend en effet tel quel le vers de Villon, mais en donnant un sens différent au mot "Témoin".
Pour Villon, témoin = en présence de l'Abbesse.
Pour Brassens, témoin = à preuve, par exemple.

[contact auteur : Gérard Lenne] - [compléter cette analyse]
38Qui fut, qui reste et restera
39La plus glorieuse putain
40De moines du Quartier Latin.
Quartier latin
Le quartier doit son nom aux écoles de théologie qui y prospéraient au Moyen Âge et où l’on enseignait le latin
[contact auteur : Mathieu L.R.] - [compléter cette analyse]
 
41À la fin, les anges du guet
Le guet
Pierre Michel : "Villon - Poésies complètes" Le livre de poche N° 1216, page 24 :
"L'ordre était assuré à Paris par le 'guet royal' (20 sergents à cheval et 40 à pied), renforcé par le 'guet des métiers' (60 commerçants-maîtres)."

[contact auteur : Jean-françois Burlot] - [compléter cette analyse]
Pourquoi les "anges du guet"
Sans doute parce que les sergents du guet étaient les (anges) gardiens de l'ordre. Mais aussi parce que, menant le poète au gibet, ils participent un peu de sa future vie éternelle: on se rappelle les anges noirs à moto qui poursuivent Orphée dans le film de Cocteau.
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
Le Guet
Le 'Guet' était commandé par un officier, sujet d'une chanson enfantine du XVIIIè siècle, Le Chevalier du Guet. Cette institution datait de Charlemagne, et était encore en place à la veille de la Révolution.
[contact auteur : Bruno R.] - [compléter cette analyse]
42M’auraient conduit sur le gibet.
43Je serais mort, jambes en l'air,
Jambes en l'air
Manière bien sûr très crue de donner à voir la pendaison. Mais on peut aussi y voir un double sens : mourir jambes en l'air sur une veuve c'est une performance sexuelle de haut rang, ou je ne m'y connais pas (d'où la mandragore dans ce cas). Gauloiserie du narrateur ou de l'auteur en évoquant la mort, pour la narguer une dernière fois.
[contact auteur : Mathieu Rasoli] - [compléter cette analyse]
44Sur la veuve patibulaire,
La veuve patibulaire
L'échafaud (en latin : patibulum)
[contact auteur : Jean-françois Burlot] - [compléter cette analyse]
 
45En arrosant la mandragore,
Arroser la mandragore
Une vieille croyance veut qu'avant de mourir le pendu ait une dernière érection, voire une dernière éjaculation, dont la semence servirait à faire pousser "l'herbe aux pendus", la mandragore. Il s'agit d'une plante solanacée dont la racine fourchue ressemble vaguement à un corps humain, et qui était utilisée en pharmacie et en sorcellerie (choses qui sont longtemps allées de pair). On lui attribuait les vertus qu'on accorde aujourd'hui au "gin-seng".
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
Mandragore
Voir aussi L'andropause
[contact auteur : Henri T.] - [compléter cette analyse]
46L'herbe aux pendus qui revigore,
47En bénissant avec les pieds
Bénir avec les pieds
De même que pour "arroser la mandragore" il s'agit d'un mouvement que le pendu fait malgré lui. En bougeant légèrement sur sa corde, il donne l'impression de tourner son corps de gauche et de droite (cf. la fin du Meilleur des mondes d'Huxley où le personnage retrouvé pendu est décrit ainsi) comme un prêtre qui bénit une foule
[contact auteur : Mathieu Rasoli] - [compléter cette analyse]
48Les ribaudes apitoyées.
Ribaudes
Ribaud, [rib]aude. adj. Adonné à la paillardise. Il est aussi subst. C'est usez des formules de Paillard] pr. Ribaud, Ribaude, etc. És Estats des Rois Philippe III. Philippe le Bel, et Philippe le Long, est faite mention du Roy des Ribauds qui se devoyent tousjours tenir hors la porte de l'hostel du Roy. Il est appellé Roy des Ribauds, pource que les mauvais garçons estoyent lors nommez Ribauds, comme les femmes abandonnées Ribaudes.
Sa charge estoit, de faire justice des crimes commis à la suite du Roy hors de son hostel, Il avoit des Archers pour se rendre fort, et son lieutenant s'appelloit Prevost des Ribauds. Depuis ayant esté supprimé, à cause du nom, sous le regne de Charles sixieme, il commença d'estre nommé Prevost de l'hostel, et n'y a pas long temps que les Ribaudes ou abandonnées, à la suite de la Cour, estoyent sous sa conoissance, et sujettes, tout le long du mois de May, de faire sa chambre. Depuis trente ans, on l'a surnommé grand Prevost de France et de l`hostel du Roy. Du Haillan au 4. livre de l'estat des afaires de France.

Grand Dictionaire françois-latin, 1593-1614

[contact auteur : Dominique C] - [compléter cette analyse]
 
49Hélas ! tout ça, c'est des chansons.
Hélas ! que des chansons...
Dans ses interviews, quand on le poussait dans ses retranchements ou ses convictions, GB esquivait souvent par ce faux argument (oh, tout ça, ce n'est que de la littérature ou
des chansons...
).
Le mot "hélas", ici, donne un éclairage sur la mélancolie qui se cachait derrière tant d'apparente désinvolture.

[contact auteur : Martineau Roger] - [compléter cette analyse]
50Il faut se faire une raison.
51Les choux-fleurs poussent à présent
Choux-Fleurs
C'est en 1969 que les Choux-Fleurs cessèrent de "pousser" sur l'ancien charnier, après le tranfert des Halles en banlieue, à Rungis.
[contact auteur : Dominique C] - [compléter cette analyse]
52Sur le Charnier des Innocents.
 
53Le Trou de la Pomme de Pin
54N'est plus qu'un bar américain.
55Y a quelque chose de pourri
56Au royaum' de truanderie.
Shakespeare
Allusion transparente au "Il y a quelque chose de pourri au royaume du Danemark", dans Hamlet.
[contact auteur : Gaël R.] - [compléter cette analyse]
 
57Je mourrai pas à Montfaucon,
Montfaucon
Montfaucon était, comme dit Sauval, "le plus ancien et le plus superbe gibet du royaume". Entre les faubourgs du Temple et de Saint-Martin, à environ cent soixante toises des murailles de Paris.
Victor Hugo, Notre Dame de Paris, dernier chapitre
Il précise également que le gibet fut construit en 1328.
[source : www.ac-rouen.fr/pedagogie/equipes/lettres/dernier/gibet.htm]

[contact auteur : Vincent Barbier] - [compléter cette analyse]
58Mais dans un lit, comme un vrai con,
Montfaucon - vrai con
Opposition entre faux et vrai con
[contact auteur : Simon D.B.] - [compléter cette analyse]
59Je mourrai, pas même pendard,
Pendard
Pendars ou meurtriers trois fois rachetez du gibet, ou de la mort, Meschans, Meurtriers, Dignes de mort, ou de quelque autre griefve punition
Nicot, Thresor de la langue françoyse, 1606

[contact auteur : Dominique C] - [compléter cette analyse]
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60Avec cinq siècles de retard.
 
61Ma dernière parole soit
62Quelques vers de Maître François,
63Et que j'emporte entre les dents
64Un flocon des neiges d'antan...
Un flocon des neiges d'antan
Voir : "la Ballade des dames du temps jadis" (de François Villon) :
"Mais où sont les neiges d'antan?"

[contact auteur : Jean-françois Burlot] - [compléter cette analyse]
 
65Ma dernière parole soit
66Quelques vers de maître François...
Maître François
François Villon, bien sûr...
[contact auteur : Jean-françois Burlot] - [compléter cette analyse]
67Pardonnez-moi, Prince, si je
68Suis foutrement moyenâgeux.

Georges Brassens